Idéalement située au pied des cols de Cize et le long de la grande voie historique de franchissement des Pyrénées par Roncevaux, Saint-Jean-Pied-de-Port embrassa, dès le Moyen Age, une destinée rayonnante de ville-frontière, place forte, ville de garnison, ville jacquaire et carrefour commercial.
Ugange : premier noyau de peuplement de Saint-Jean-Pied-de-Port
C’est au contact des eaux tumultueuses de la Nive de Béhérobie que le premier noyau de peuplement de Saint-Jean-Pied-de-Port vit le jour, vraisemblablement au XIe siècle. Appelé Ugange, ce bourg rural était distinct de la cité médiévale de Saint-Jean-Pied-de-Port, fondée ultérieurement à la fin du XIIe siècle. Composé d’une dizaine de maisons regroupées autour de son église paroissiale dédiée à sainte Eulalie, des activités commerciales et artisanales côtoyaient les travaux agricoles et pastoraux. D’abord attractif et dynamique, le rayonnement d’Ugange s’atténua puis déclina suite au développement de la cité fortifiée et de sa ville basse aux XIIIes et XIVes siècles.
La ville de Saint-Jean-Pied-de-Port au Moyen Age
Un château fort défend la ville
Le Pays de Cize et sa capitale Saint-Jean-Pied-de-Port passa, vraisemblablement sous la suzeraineté du royaume de Navarre à la fin du XIIe siècle. Possédant des terres sur les deux versants des Pyrénées, le roi de Navarre voulut renforcer la défense de sa frontière Nord face à ses puissants voisins. Aussi, Sanche le Sage (roi de Navarre 1150-1194) décida d’ériger une forteresse royale au sommet de la colline de Mendiguren, promontoire dominant le bourg d’Ugange et la Nive de près de 80 mètres. Idéalement située au pied des ports de Cize, ce château contrôlait le débouché de la voie historique majeure de franchissement des Pyrénées par Roncevaux. En 1194, un homme de confiance du roi de Navarre, Martin Chipia se vit confier le commandement du château. Malgré l’existence d’autres châteaux royaux (Garris, Roquebrune, Rocafort…), celui de Saint-Jean-Pied-de-Port fut le centre défensif le plus important de la région dite Terres d’Ultrapuertos.
Une ville autour du château
Soucieux de la protection de son territoire, Sanche le Fort (roi de Navarre 1194-1234) décida, dès la fin du XIIe siècle, la fondation d’une ville nouvelle sur les flancs et au pied de la colline du château. Elle fut baptisée Saint-Jean-Pied-de-Port en référence à sa position géographique avantageuse, au pied des cols pyrénéens. Très rapidement, elle devint la ville-clé des Terres navarraises du Nord. Tous les rois de Navarre portèrent une attention particulière à cette cité, véritable sentinelle protégeant le royaume et sa capitale Pampelune.
La biele de Sent Johan de Pe do Port se composait de trois quartiers, la ville haute ou Barrio San Pedro (actuellement rue de la citadelle), le Burgo Mayor ( actuelle rue de l’église) et la ville basse ou Barrio San Miguel (aujourd’hui rue d’Espagne). Dès le XIIIe siècle, la ville haute et le bourg majeur étaient défendus par une muraille, pour l’entretien de laquelle les habitants payaient une redevance. Cet impôt était partagé entre les trois quartiers de la ville y compris le quartier Saint-Michel, bien que non défendu par une muraille.
Capitale des Terres d’Ultrapuertos
Afin de favoriser le développement, et la prospérité de la ville, un fuero fut accordé à ses habitants. Renouvelé et confirmé par tous les rois de Navarre, ce document établissait les coutumes, les droits, les devoirs mais également les privilèges des habitants. De fondation royale, Saint-Jean-Pied-de-Port jouissait du statut de bonne ville de Navarre. A ce titre, elle disposait d’un siège aux Cortes Generales de Navarre (assemblée réunissant les trois ordres de la société).
Preuve de l’importance de Saint-Jean-Pied-de-Port au sein du dispositif fortifié, Charles II qualifia la ville de clef de son royaume et accorda, en 1367, une charte d’anoblissement et d’affranchissement à leurs habitants, en remerciement des services rendus au titre de la surveillance des portes du royaume.
La ville devint le centre administratif de la monarchie navarraise dans la région. Le plus important représentant du roi dans les Terres d’Ultrapuertos, le châtelain, résidait au château de Saint-Jean-Pied-de-Port. Outre la garde du château, il était chargé de la police des routes, de la sécurité des cols et des frontières, du convoi des hauts personnages, de la perception des impôts, des droits de péage et de l’exercice des fonctions de justice et de police.
Une ville prospère et dynamique
Saint-Jean-Pied-de-Port était l’étape obligée des marchands qui affluaient pour traverser les Pyrénées par les cols de Cize, lui conférant le rôle de plaque tournante commerciale. Au bord de la rivière, à l’intérieur de l’enceinte fortifiée et face à l’église Notre-Dame se tenait le marché hebdomadaire, dynamique et réputé.
Beaucoup d’artisans et marchands s’implantèrent en ville pour satisfaire l’importante demande. La garnison militaire, les habitants de la cité, les pèlerins et les voyageurs de passage fournissaient des débouchés appréciables et appréciés aux acteurs de la vie économique. La corporation dominante était représentée par les bouchers. Ils étaient douze à exercer leur métier en ville, aidés en cela par la tradition pastorale du Pays et l’important bétail qui paissaient dans les verts pâturages. Sa situation géographique et sa fonction de ville-étape favorisa l’implantation d’activités liées au voyage, telles que les muletiers, corroyeurs ou maréchaux-ferrants. Enfin, l’ascension sociale d’une bourgeoisie fournit de l’activité aux artisans spécialistes de l’habillement, tailleurs, tisserands…
Étape incontournable du chemin vers Compostelle
Désireux d’accroître le développement de la ville et d’asseoir son statut de capitale, les rois de Navarre décidèrent de dévier le chemin primitif menant à Compostelle dans sa traversée des Pyrénées afin que celui-ci passe par Saint-Jean-Pied-de-Port. Dès lors, Saint-Jean-Pied-de-Port devint une étape incontournable du pèlerinage vers le tombeau de saint Jacques.
Les pèlerins trouvaient à Saint-Jean-Pied-de-Port les artisans et commerçants dont ils avaient besoin. Entrant par la porte Saint-Jacques, ils traversaient la ville et descendaient la rue Saint-Pierre vers l’église Notre-Dame-du-Bout-du-Pont. Ils franchissaient le nouveau pont de bois, cheminaient le long de la rue Saint-Michel avant de quitter la ville et emprunter le chemin mythique des Ports de Cize vers la collégiale de Roncevaux.
Les pèlerins pouvaient également trouver de nombreux lieux d’hébergement, des hôtelleries pour les fortunés aux hôpitaux pour les plus pauvres. Deux hôpitaux dispensant des soins, le gîte et le couvert étaient implantés à Saint-Jean-Pied-de-Port, l’un situé près de l’église Sainte-Eulalie à Ugange et l’autre près de l’église Notre-Dame-du-Bout-du-Pont.
La cité de Saint-Jean-Pied-de-Port concentrait toutes les activités dévolues à une capitale. Elle était la ville majeure des Terres d’Outre-Ports. Objet de l’attention des rois Navarre, son histoire médiévale est très riche, en témoigne, son formidable patrimoine hérité de ces temps reculés.