Depuis le Moyen Age, Saint-Jean-Pied-de-Port endossa la fonction de ville de garnison, symbolisée par un château fort puis une citadelle. A partir du XVIIIe siècle, les capacités de casernement furent considérablement augmentées, accueillant plus de 600 soldats. Grâce aux aménagements du XVIIIe siècle complétés au XIXe siècle, la vie de la garnison fut améliorée.
L’absence de magasins de vivres et fourrages à la citadelle et en ville était préoccupante. C’est pourquoi un bâtiment au bord de la Nive, à l’emplacement de l’actuel camping municipal, fut acheté en 1793, pour servir de manutention. Les infrastructures médicales étaient déficientes. Certaines maisons particulières pouvaient servir d’hôpital au même titre que le souterrain sous la chapelle de la citadelle. En 1870, une grande infirmerie fut installée en haut de la rue de la citadelle près de la porte Saint-Jacques (actuel n°55)
La population était attachée à sa garnison qui occupait une grande place dans la vie de la cité. Cette présence était une charge pour la ville tout en étant un élément de vie et d’activité. Ville de garnison, la vie y était donc rythmée par les exercices et l’arrivée des convois. Dans la ville haute, chevaux et hommes d’armes grimpaient la pente raide qui mène à la citadelle. Les artisans et commerçants, selliers, ferronniers, barbiers, chirurgiens, tonneliers, maréchaux-ferrants, bouchers, boulangers, menuisiers, boutonniers, tisserands, cordonniers, maçons ou charpentiers vivaient de commandes de l’armée. Le passage des troupes, des officiers, des ingénieurs, n’était pourtant pas sans occasionner des perturbations dans la vie courante des Saint-Jeannais. Lorsque la garnison se composait de quelques compagnies, celles-ci pouvaient loger à la citadelle, mais dès qu’elles étaient plus nombreuses il fallait les installer chez l’habitant. En 1920, la garnison quitta définitivement la ville. Le 17 février 1921, le maire proclama au nom de tous les Saint-Jeannais que « ce n’est pas sans tristesse que la ville voit le départ de sa vaillante garnison » qui « formait la vie, l’animation de la ville ».
De nouveaux quartiers à l’extérieur des murailles
Amorcée au XVIIIe siècle puis amplifiée aux XIX-XXes siècles, l’urbanisation gagna l’extérieur des murs de la ville. Le climat apaisé avec l’Espagne et la prospérité économique du Siècle des Lumières déterminèrent le développement de plusieurs quartiers extra muros.
Délaissé au Moyen Age au profit de la ville fortifiée, le quartier d’Ugange connut une spectaculaire renaissance dès le début du XVIIIe siècle, aidée et soutenue par le succès du marché hebdomadaire, véritable trait d’union entre la ville intra et extra muros. Le cadastre napoléonien de 1840 montre un front continu d’habitations jusqu’au niveau de l’embranchement avec l’actuelle rue de la poste. Au-delà, champs, près, vignes et jardins coloraient le paysage, en direction de la confluence de la Nive et du Laurhibar. Au début du XXe siècle, des activités économiques s’implantèrent dans ce petit bourg donnant au quartier une allure de micro-centre économique.
La construction sur la place du marché connut un premier tournant au début du XVIIIe siècle avec l’édification en 1707 de la majestueuse maison de Fourré, dite Mansart et siège actuel de l’hôtel de ville. Preuve du sentiment de sécurité régnant en ville depuis la fin des guerres napoléoniennes, des maisonnettes furent construites au début du XIXe siècle contre la muraille médiévale. Profitant de son positionnement central, ce quartier, ne tarda pas à devenir, dès la seconde moitié du XIXe siècle, le pôle principal de l’accueil touristique, marqué par la présence de nombreux hôtels et cafés.
Le XXe siècle concrétise les développements annoncés à la fin du siècle précédent et la poursuite de la création de nouveaux noyaux urbains. L’arrivée du chemin de fer et l’installation de la gare en 1898 entraînèrent l’aménagement d’une nouvelle rue. Le bas de la rue Renaud, de l’école à la gare fut ouvert en 1910 à travers les champs. Un trafic incessant de charrettes, camions, voitures et omnibus des hôtels empruntait cette nouvelle artère. D’une zone agricole et pâturée, le quartier devint résidentiel dès le début de la décennie 1910. Dans les années 1920, des Basques revenus des Amériques ou des commerçants aisés firent construire de grandes maisons le long et autour de cette avenue.
Face à l’attractivité de la ville, symbolisée par un tourisme florissant, de nouveaux quartiers résidentiels, pavillonnaires virent le jour dans la seconde moitié du XXe siècle, à l’image du quartier Ur Gain à l’ouest de l’avenue Renaud, du quartier Salicarte au nord de la voie ferrée, du quartier de Curutchamendy au sud-ouest de la ville…
Une ville marchande
Soucieuse d’une bonne administration et de la prospérité, la municipalité réglementait la vie économique de la cité.
Face aux demandes des bouchers et charcutiers de la ville, la mairie décide, au début des années 1840, l’aménagement d’un abattoir commun dans une maison d’Ugange, près de la Nive, dont les eaux pouvaient aisément et rapidement emporter les déchets. Tous les bouchers et particuliers souhaitant vendre leurs produits d’élevage étaient tenus d’y faire abattre leur bétail. La mairie fixa un droit d’abattage.
La rencontre entre la société paysanne régionale et le microcosme urbain de Saint-Jean-Pied-de-Port se concrétisait à la faveur du marché hebdomadaire du lundi. La foule s’y pressait pour voir et être vue, pour vendre et acheter, pour raconter et s’informer. On pouvait côtoyer les gens de son village mais également ceux de contrées plus lointaines. Les paysans se mêlaient aux bourgeois Saint-Jeannais. Chacun fréquentait les nombreux lieux de convivialité de la ville. Les bagarres étaient fréquentes le jour du marché obligeant la gendarmerie locale à rester sur le qui-vive et à mettre les individus éméchés sur le chemin du retour. Palabres entre hommes, odeurs et bruits d’animaux résumaient les impressions du marché aux bestiaux. Les gestes d’expertise du bétail s’y succédaient et on négociait avec le maquignon pour arrêter un prix si possible préférentiel. Le marché tenu par les femmes, situé en haut à l’ombre des platanes offrait à la vente les produits de la ferme et de la basse-cour, tandis que le bas de la place, était réservé aux hommes et à la vente du bétail.
Le paysage non agricole se remodela sous la poussée de nouvelles activités et technologies. L’éventail des métiers n’était pas très différent des Temps Modernes, toujours dominé par un artisanat et commerce de proximité. Les innovations technologiques déterminèrent l’entrée de certains entrepreneurs dans l’ère industrielle. L’essentiel de l’armature industrielle locale consistait dans le travail du cuir et de la laine. Des tanneries étaient tenues par des familles notables de la ville. Elles connurent le maximum de leur développement à la fin du XIXe et début du XXe siècle, avant de décliner et définitivement disparaître dans la décennie 1950.
A l’aube du XXe siècle
Le XXe siècle est surtout celui des progrès technologiques. A Saint-Jean-Pied-de-Port, un important effort d’aménagement est entrepris pour apporter commodité et confort aux habitants.
Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, il n’y avait aucune fontaine ni aucun puits dans la ville. Les habitants allaient chercher l’eau à la Nive et à quelques sources environnantes. Puis des fontaines publiques furent installées. Adossée au plateau de Zuarpeta, l’une d’elles était située sur la place Floquet. La fontaine était un lieu de rendez-vous, de discussions, les anciens l’appelant même le forum, notamment pour les femmes et les enfants qui venaient chercher l’eau plusieurs fois dans la journée pour tous les usages domestiques. On lavait partout dans la Nive mais quelques endroits étaient aménagés en lavoir. Vers 1929, différentes sources sont captées pour alimenter la cité, parmi elles, la source Ithurchilo à Lasse.
L’électricité et l’éclairage public arrivèrent à Saint-Jean vers 1895. A la fin du XIXe siècle, l’électricité était fournie par le moulin Anxo, faisant de Saint-Jean-Pied-de-Port l’une des premières communes à s’équiper d’un éclairage public électrique. Une modeste compagnie privée apporta un peu plus tard l’électricité dans les maisons.
La ligne ferroviaire Bayonne-Cambo fut ouverte en 1891, puis prolongée de Cambo à Ossès en 1892 et au-delà d’Ossès, les deux branches desservant le cœur de la Basse-Navarre furent ouvertes en 1898, d’Ossès à Baïgorry le 26 juin et d’Ossès à Saint-Jean-Pied-de-Port le 11 décembre. La population accueillit avec enthousiasme l’arrivée du premier train entré en gare à 9h00. Une foule de 500 à 600 personnes se rendit à la gare pour recevoir les premiers voyageurs. En 1901, la ligne de Bayonne à Saint-Jean était desservie par quatre trains, dont la vitesse était fort lente, de 1h45 à 2h00 de parcours. Ces trains mixtes, de voyageurs et marchandises, remportaient un vif succès, transportant pour l’année 1900 : près de 280000 voyageurs et plus de 50000 tonnes de marchandises.
Le nouvel axe économique avec Bayonne, amélioré par le train et la route nationale longeant la Nive, eut de nombreuses répercussions sur la vie de la cité. Le tourisme devint une activité florissante. Un guide touristique de 1908 soulignait l’intérêt du voyage par train, équipé d’une voiture terrasse et mentionnait les excursions possibles dans la région, de la forêt d’Iraty aux sources de la Nive. Dès lors, la commune porta un œil très attentif à la conservation de son patrimoine, la promotion de sa ville, son terroir, ses produits artisanaux, son commerce local, ses fêtes, ses traditions, son art de vivre. Au début du siècle, quatre hôtels se partageaient la clientèle. A l’arrivée des trains, certains d’entre eux dépêchaient à la gare une voiture hippomobile, sorte de petit omnibus, pour prendre en charge les clients éventuels. D’illustres personnages ont séjourné dans ces hôtels, tels Charlie Chaplin. Les métiers de la restauration, cafetiers, restaurateurs, hôteliers, serveurs et serveuses, cuisiniers, maîtres d’hôtel, porteurs, chambrières… occupaient beaucoup de monde et apportaient une grande activité dans la ville. Il existait une trentaine de cafés à Saint-Jean, dont beaucoup dans la rue de la citadelle et les places Floquet et du marché. Chants basques, parties de mus, conversations devant un petit verre en terrasse ou au comptoir et repas conviviaux animaient la ville.